Les fusillés d'Albine
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Mon père qui, pendant la Deuxième Guerre mondiale, avait fait partie de la résistance du secteur de Carmaux avait toujours avec lui cette photo et j'ai voulu connaitre son histoire.
Les Fusillés D'Albine: Jacques BESSE, Nicolas BLASQUES, Marius CARDONE, René VALETTE
Au lieu dit « La Gardette », commune de Sauveterre, près du village d’Albine (81), une stèle bien entretenue rappelle un épisode tragique antérieur de quelques jours à la Libération du Tarn en août 1944 : « Au bas de ce ravin, ont été fusillés par les Allemands le 12 août 1944, les patriotes : Besse Jacques 20 ans, Blasquez Nicolas 23 ans, Cardone Marius 25 ans et Valette René 23 ans, Honneur à ces martyrs ».
A Carmaux, juillet 1944 : trois amis, jeunes sous-officiers de l’armée de l’air se morfondent depuis l’invasion du Sud de la France : Nicolas Blasquez, René Valette et F. Depuis son retour de Tunisie, Nicolas a noué des contacts avec des Résistants du secteur. Il habite avec sa famille une ancienne ferme à « La Guignerette », au dessus de Fontgrande. Le pigeonnier sert de dépôt après des parachutages près de Labastide Gabausse.Un jour, il confie à son frère Julien qu'il va rejoindre « un réseau bien structuré, où leurs compétences militaires seront mieux utilisées. Les trois amis ont donc rejoint le « Corps franc Bayard » du « Cdt Hugues » le 31 juillet ou le 1er août.
8 août 1944 (ou 6 août, selon d’autres versions) : les Allemands d’Albine attaquent le maquis FTPF « Jean Gondel », installé depuis plusieurs mois aux « Clottes », sur le versant sud de la vallée du Thoré. Ils mettent le feu à la ferme du « Gabach ». Le fermier Argeliès, attaché dans l’étable, trouve une mort atroce. Les Allemands capturent le F.T.P.F. P. (dit A.) mécanicien à Montpellier. Quels « arguments » emploient-ils pour le décider à parler ? Les renseignements fournis vont entraîner une cascade de conséquences tragiques.
Mercredi 9 août : d’après le journal de marche du Maquis Benjamin de Labastide (écrit par le Capitaine Bonhoure), P. revêtue de l’uniforme allemand, va conduire les Allemands en divers lieux de ravitaillement de son maquis. Le hameau de Fournas est incendié. Tout comme la boulangerie Séguier-Bonifas de Labastide. Et la fatalité entre en scène. Un détachement posté au niveau du chemin d’accès à « Cambladès », sur la D 165, fait stopper une camionnette. A bord, quatre jeunes : les trois « aviateurs de Carmaux » et Jean Galibert 17 ans, de Labastide Rouairoux.Arrêt brutal devant le barrage allemand. Mains en l’air ! Les voilà contraints de monter dans un camion qui les emmène à Albine sous bonne garde. Angoisse générale… L’un des maquisards propose à Jean Galibert de sauter de camion. « Nous n’irons pas loin », rétorque ce dernier. Enfermé comme eux dans un réduit de l’usine, il entend crier ses compagnons d’infortune sur les coups des tortionnaires. Alors qu’il redoute le pire, il bénéficie le soir même d’une libération inespérée. Le maire de Labastide, M. Belot, assisté de M. Barthès, un industriel parlant allemand, a réussi à convaincre ses geôliers que cet adolescent n’a rien d’un « terroriste ». Plus d’un demi-siècle après, Jean Galibert avoue qu’il a subi ce jour-là un traumatisme indélébile. D’après un article de presse relatif à un jugement de la Cour de Justice du Tarn du 28 avril 1945 (paru dans un quotidien de l’époque, « République du Sud-Ouest » « ou le Patriote » ?) F. aurait alors « indiqué la ferme du Pioch comme étant le PC du Maquis », objectif n°1 des allemands. Mais c’est une fausse piste, et F. avoue ensuite sous les coups que le PC est installé dans le chalet du « Catié », commune du Rialet.
le 12 août 1944, Valette, Blasquez, Besse et Corbière (Cardone)furent torturés, et finalement fusillés.
La famille de Nicolas n’apprend sa mort que le mardi 22 août. Dans l’après-midi, son frère Julien rencontre fortuitement F. et sa femme, entre Carmaux et Fontgrande. F. lui dit que Nicolas et René ont été fusillés à Albine le 12 août.
Le samedi 12 août, à 6 heures, un prisonnier est appelé. Ses compagnons entendent une salve (le lieu de l’exécution est distant de quelques centaines de mètres). Un quart d’heure après, autre appel, autre salve. Ainsi quatre fois. F. dit qu’il sait où les corps sont enterrés.
13 août 1944: découverte des corps :
« Le samedi 12 Août 1944, cheminant en compagnie d’un voisin de palier, le gendarme Rullaud, de la brigade de St Amans Soult, en civil, aperçoit dans la vallée du Rabasset, Commune de Sauveterre, une petite troupe en mouvement. Un moment après, un commandement guttural, suivi d’une fusillade… Le lendemain, le dimanche 13 Août, ils reviennent sur les lieux. Intrigués, fouillant le terrain au pas de promenade, ils cherchent une explication aux évènements de la veille. Le gendarme Rullaud sent soudain sous ses pieds la terre plus molle. Grattant le sol, sa main rencontre celle d’un autre homme. Jugez de son émoi et de sa surprise. Ils préviennent les Maires de Sauveterre et d’Albine, qui font procéder à l’exhumation des corps affreusement mutilés.
Les quatre martyrs d’Albine sont morts à l’aube du 12 Août 1944. Entre le 16 et le 23 Août, tout le département allait être libéré dans une allégresse inoubliable. Ils avaient été volontaires pour réaliser ce rêve, ils étaient jeunes, ils aimaient la vie. Ils ont bien mérité notre admiration, notre respect et notre compassion.
Publié initialement dans la revue du Tarn.
Tarnais 39 45, n° 192 Hiver 2004
12 août 1944
L'Afarès